En tant que mère, ce qui m’indispose le plus ce sont les autres parents qui, comme un certain Roch Thibault de St-Constant, «s’autocongratulent» publiquement de leurs choix de vie, insinuant au passage que tous les autres parents du monde qui n’ont pas suivi le même moule sont de mauvais parents.
Dans
La Presse du 20 janvier 2007, à la page 8 du cahier Plus,
la lettre de M. Thibault [pdf ] a été primée
Lettre de la semaine.
M. Thibault se félicite, ainsi que sa tendre épouse, d’avoir élevé trois beaux enfants « équilibrés, polis et courtois, respectueux, aimant l’école, rayonnants, volontaires ».
Selon M. Thibault, ce succès est directement attribuable au fait d’avoir renoncé, en tant que couple, à des idéaux professionnels.
Et si j’ai bien compris, c’est la tendre épouse de Monsieur qui a davantage renoncé à exploiter ses objectifs professionnels.
Il s’agit certes d’un noble choix et je le respecte. Ce qui me met hors de moi, c’est le message à peine subtil de M. Thibault : leur méthode est la seule formule gagnante pour cultiver une famille heureuse et des enfants épanouis :
« Nous avons choisi de nous faire jardiniers, et comme cela demandait une présence de tous les instants, nous avons renoncé à un certain mode de vie pour nous concentrer sur ce projet de jardinage de l’amour. Vous devinerez que l’un de nous s’est investi plus concrètement dans ce jardinage, ce en renonçant à d’autres choses comme à cette importance démesurée à la réussite professionnelle ou à l’accumulation de biens. En choisissant de grandir auprès de nos enfants, en osant être plutôt qu’avoir, nous récoltons aujourd’hui ce que nous avons semé. Par choix d’amour, nous avons offert ce que nous croyions de mieux à nos enfants, et nous y croyons toujours ».
Le choix du couple Thibault-Moses est sans doute excellent, mais comment peut-il insinuer que c’est le meilleur et le seul souhaitable? Il y a autant de modèles familiaux qu’il y a de familles et c’est d’abord la qualité de la relation que nous entretenons avec nos enfants qui détermine leur propension à s’épanouir sainement.
Mon conjoint et moi-même travaillons tous les deux et notre fils, qui aura 3 ans le mois prochain, fréquente une garderie à plein temps et ce, depuis l’âge de un an. Notre fils a pourtant des bases solides. Malgré nos occupations, il nous reconnaît en tant qu' « adultes significatifs » dans sa vie. Tous les jours, il nous raconte sa journée passée à la garderie et d'heureux échanges prennent place entre nous à l'heure du souper et le lendemain au petit déjeuner. La fin de semaine, nous consacrons religieusement nos samedis et dimanches en famille. Nous regardons ensemble les « petits bonhommes » en déjeunant ; en après-midi, notre fils participe –bien que symboliquement - au ménage, nous allons nous promener à la montagne ou faire les courses ensemble. Ces moments que nous passons en famille, nous les vivons intensément et harmonieusement.
Sa vie est aussi colorée par la relation exceptionnelle qu’il entretient avec son grand-père qu’il voit quotidiennement. Même si sa marraine habite loin, il lui parle au téléphone hebdomadairement. À la garderie, il adore ses éducatrices et elles lui rendent à merveille. Ses petits amis forment une société à laquelle il est parfaitement intégré. En somme, notre fils a un environnement stable, il est entouré d’adultes qui l’aiment, le respectent, le reconnaissent en tant qu’individu. La venue d'un deuxième enfant dans notre petite famille ne fera que renforcer les liens déjà solides entre nous.
M. Thibault, ce n’est pas parce que les deux parents travaillent qu’ils sont de « méchants » carriéristes qui consomment à outrance. Et même si des parents étaient carriéristes, il se peut que leur relation soit impeccable avec leurs enfants. Être présent dans la vie d’un enfant, c’est d’abord reconnaître pleinement qu’il existe, c’est lui rappeler quotidiennement qu’il est important et c'est de préserver le fil du dialogue avec lui. Combien de familles dites traditionnelles ont manqué à ces principes?
Je vous félicite d’avoir cultivé une belle famille, M. Thibault, mais de grâce, ne condamnez pas - même entre les lignes - les parents qui ont un mode de vie différent du vôtre.